Cession de fonds de commerce : conseils pratiques d’un avocat spécialisé

Céder un fonds de commerce, pour une entreprise, consiste à céder, de manière globale, l’ensemble des éléments lui permettant d’accomplir son activité, l’intégralité de son outil de travail en somme.

Les juristes ont coutume de dire que le fonds de commerce est une « universalité juridique » : c’est-à-dire un ensemble indissociable d’éléments corporels (matériels, outils, véhicules, etc..) et incorporels : enseigne, clientèle, bail commercial etc.).

En général, la cession de fonds de commerce est précédée d’un compromis de vente, ou d’une promesse de cession, avec un certain nombre de conditions suspensives qui devront être levées pour que la vente ait lieu.

Baptiste Robelin, associé du cabinet NovLaw Avocats, est spécialisé en droit immobilier et cession de fonds de commerce, vous propose une série de petits conseils pratiques et de clauses originales à insérer dans vos actes de cession, afin de sécuriser et optimiser la cession.  

conseils pour céder un fonds de commerce

La clause « covid-19 » à prévoir dans la promesse de vente

Avec la situation sanitaire actuelle, les praticiens ont dû s’adapter et faire preuve d’imagination. Un des risques majeurs avec les fermetures administratives (notamment pour les restaurants) est de voir l’acheteur du fonds de commerce se rétracter postérieurement à la promesse, en arguant des risques de fermeture de l’établissement (confinement, (re)confinement…).

Cette situation est crainte par les vendeurs, qui ne veulent pas voir leur fonds de commerce immobilisé pendant des semaines, avant que l’acheteur ne décide soudainement de renoncer à son projet, pris de peur de ne pouvoir ouvrir l’établissement après l’acquisition. Ou bien que l’acheteur ne saisisse cette opportunité pour tenter de renégocier le prix de vente à la baisse après la signature de la promesse.

Que faire pour éviter cette situation ?

Il est conseillé d’insérer dans la promesse une clause spécifique indiquant que l’acheteur renonce à invoquer la force majeure ou la révision pour imprévision prévue par l’article 1195 du Code civil, même en cas de confiement / (re)confinement.

En contrepartie, on peut prévoir une clause indiquant qu’en cas de fermeture administrative, la signature définitive de l’acte de vente serait repoussée jusqu’à la date de réouverture effective de l’entreprise.

Avec cette clause, l’intérêt des deux parties est ainsi préservé : le vendeur ne risquera pas de voir son acheteur se rétracter ; de son côté, l’acquéreur sera certain d’acheter le fonds de commerce à une date lui permettant d’ouvrir et d’exploiter directement son commerce.

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La clause relative au financement : précise, avec obligation de solliciter un courtier

Clause classique des promesses de cession de fonds de comme, celle relative au financement. C’est la clause que l’on insère lorsque l’acquéreur souhaite acheter le fonds de commerce avec un crédit bancaire. Le risque évidemment, c’est que l’acquéreur n’invoque cette clause pour sortir de la promesse, en prétextant n’avoir pas obtenu le financement nécessaire.

Plusieurs conseils pour éviter ce type de désagrément : nous vous conseillons d’abord d’être le plus précis possible dans la rédaction de la clause en indiquant bien les modalités du crédit demandé (taux d’intérêt maximum, montant emprunté, durée du remboursement). En général, en matière de fonds de commerce, les crédits sont contractés sur 7 ans.

Ensuite, il est conseillé d’indiquer dans la clause le montant de l’apport de l’acheteur. C’est un point important, car il sera alors possible de mettre en cause la responsabilité de l’acquéreur s’il ne disposait pas en réalité d’un apport suffisant pour obtenir son crédit, immobilisant alors inutilement le bien du vendeur.

Enfin, il est indispensable de contraindre l’acheteur à demander un crédit auprès de plusieurs établissements bancaires (en général minimum 3 banques) et de lui demander de justifier ses demandes de crédit dans un délai raisonnable après la signature de la promesse (en général, 15 jours après la signature).

On peut même aller plus loin et prévoir dans la clause que l’acquéreur devra obligatoirement s’adresser à un courtier professionnel pour maximiser ses chances d’obtenir son financement. Une telle clause n’a rien d’abusif, surtout quand on sait que les courtiers sont gratuits, n’étant rémunérés qu’au succès.

La clause de caprice et l’indemnité d’immobilisation

Dans la majorité des cas, les promesses de cession de fonds de commerce sont dites synallagmatiques, signifiant que les deux parties sont engagées dans le cadre de l’opération : le vendeur est obligé de vendre si les conditions suspensives sont levées, l’acquéreur, obligé d’acheter si les conditions suspensives sont réalisées.

Afin que ces promesses soient effectives, il faut impérativement inclure une clause prévoyant des sanctions si l’une des deux parties refusait d’exécuter le contrat et de signer la vente alors que les conditions sont réunies. Ces clauses sanction sont également appelées « clauses de caprice ».

La plupart du temps, on prévoit que la partie fautive devra payer à la partie victime une indemnité d’environ 10 % du prix de vente. Pour cette raison, on oblige généralement l’acheteur à verser à la signature la somme correspondante, à titre d’indemnité d’immobilisation. L’indemnité sera ainsi versée au vendeur si l’acquéreur devait finalement refuser d’acheter, sans motif valable.

Côté acheteur, il faudra initier une action judiciaire pour obtenir la condamnation du vendeur récalcitrant à payer des dommages-intérêts, outre la somme forfaitaire de 10% du prix de vente à titre de clause pénale. On peut indiquer dans l’acte que cette action ne privera pas l’acheteur de la possibilité de demander l’exécution forcée de la vente. C’est vivement conseillé pour offrir à l’acheteur une alternative stratégique en cas d’action contre son vendeur récalcitrant.

Un conseil pour la clause de caprice, s’agissant des agents immobiliers : on sait que les agents immobiliers sont souvent victimes de ces caprices des parties, puisque leur commission n’est due qu’en cas de signature de l’acte définitif de vente. On peut donc indiquer dans la clause que l’indemnité d’immobilisation, si elle était due, serait partagée pour moitié entre la partie victime et l’agent immobilier, voire également en trois, avec le rédacteur d’acte.

Les clauses portant sur le droit de préemption des communes

La plupart des fonds de commerce sont situés dans des zones dans lesquelles la Mairie est en droit de préempter le fonds en cas de cession : c’est-à-dire, passer devant un éventuel acquéreur. C’est pourquoi, préalablement à l’opération, les parties devront impérativement veiller à purger ce droit de préemption. Concrètement, cela revient à interroger la commune en lui demandant si elle entend ou non préempter. On lui adresse pour ce faire une DIA (Déclaration d’intention d’aliéner) avec certaines informations obligatoires. Le Maire dispose ensuite de 2 mois pour faire savoir s’il entend ou non exercer son droit de préemption. Son silence passé ce délai vaut renonciation.

Attention : en l’absence de purge du droit de préemption, la cession pourrait être annulée, entraînant des conséquences dramatiques pour les deux parties, vendeur et acquéreur.

L’information préalable des salariés

S’il existe des salariés, ces derniers doivent impérativement être informés du projet de cession, conformément aux articles L. 141-23 et suivants du Code de commerce. Les salariés disposeront alors de la possibilité de faire une offre de rachat s’ils le souhaitent. En revanche, il ne s’agit pas à proprement parler d’un droit de préemption, car les salariés n’ont pas la possibilité de passer devant l’acquéreur contrairement à la commune.

À noter que cette obligation d’information préalable s’applique pour toutes les entreprises de moins de 249 salariés. En cas de manquement à cette obligation d’information, le cédant s’exposera à une amende civile dont le montant peut atteindre 2% du montant de la vente. En revanche, la vente ne saurait être annulée pour ce motif.

Notification du projet de cession au bailleur

En principe, le bailleur ne peut pas interdire la cession du bail dans le cadre d’une cession de fonds de commerce. Le bail peut en revanche conditionner la cession à l’agrément préalable du bailleur, en fonction par exemple de critères de solvabilité du cessionnaire. Ces clauses restrictives sont admises par la jurisprudence.

Si elles existent dans le bail, il conviendra en conséquence de notifier le projet de cession au bailleur, en lui demandant d’agréer le cessionnaire et pour lui demander s’il entend ou non participer à la cession.

Enregistrement de la promesse de vente en cas de promesse unilatérale

Le plus souvent, les promesses de vente de fonds de commerce sont dites « synallagmatiques » : il s’agit de promesses aux termes desquelles les deux parties sont obligées : le vendeur, de vendre, l’acheteur, d’acheter.

Il arrive cependant que les parties à la cession de fonds de commerce préfèrent recourir à une promesse unilatérale : le vendeur sera seul tenu de vendre, l’acquéreur disposera lui d’une option (en contrepartie du paiement d’une indemnité d’immobilisation évidemment).

Les promesses unilatérales sont valables, mais doivent être enregistrées dans les 10 jours de leur signature à peine de nullité, en application de l’article 1589-2 du Code civil (sauf si elles sont passées par acte notarié).

Libération partielle du séquestre après la signature de la vente

Notre dernier conseil porte sur le séquestre après la signature de l’acte définitif de vente. On sait que dans les opérations de cession de fonds de commerce, il existe un principe de solidarité fiscale entre vendeur et acquéreur (90 jours pouvant, sous condition, être réduit à 30 jours).

Le vendeur devra donc patienter avant de percevoir le prix, qui sera séquestré en général sur le compte Carpa de l’avocat du vendeur.

Les vendeurs doivent savoir qu’il est possible de demander à l’avocat de libérer partiellement le séquestre, afin de toucher une partie du prix immédiatement après la signature de l’acte de vente (par exemple la moitié du prix de vente).

Pour cela, il est important de justifier auprès de l’avocat séquestre que vous êtes à jour de vos obligations déclaratives. Vous pouvez notamment produire une attestation de régularité fiscale émanant de l’Administration fiscale, et éventuellement une attestation sur l’honneur de votre Expert-comptable indiquant que vous êtes bien à jour de vos impôts et taxes et qu’il n’existe pas de passif caché.

Baptiste ROBELIN

Associé du cabinet NovLaw Avocats, spécialisé en droit immobilier et cession de fonds de commerce. Il est par ailleurs inscrit sur la liste des mandataires en transaction immobilière de l’Ordre des avocats du Barreau de Paris.



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