Que faire pour lutter contre les factures impayées ?

C’est l’une des sources principales de défaillance d’entreprise : les retards de paiements et facturées impayées. Cette situation n’est pourtant pas une fatalité, et les entrepreneurs peuvent tenter de prévenir les incidents de paiements : en prévoyant des clauses spécifiques dans leurs contrats avec des sûretés légales, en mettant en œuvre des procédures de recouvrement de créances amiables ou judiciaires, et en exerçant au besoin des saisies-conservatoires.

Découvrez les conseils d’un avocat spécialisé en recouvrement de créance et facture impayée pour lutter contre ces difficultés de paiement. Par Baptiste Robelin, Associé chez NovLaw Avocats.

lutter contre les factures impayées

Prendre des garanties pour se prémunir contre les impayés

Pour lutter contre les factures impayées, il est d’abord conseillé de prendre des garanties à l’égard de vos cocontractants.

Pour les livraisons de biens, on peut par exemple prévoir dans le contrat une clause de réserve de propriété : le vendeur reste ainsi propriétaire de la chose vendue jusqu’au complet paiement du prix par l’acheteur. Le vendeur pourra ainsi facilement saisir les biens livrés en cas de défaut de paiement.

Pour les prestations de services, il peut être utile de prévoir une garantie personnelle, comme un cautionnement, au titre duquel un garant devra régler les dettes impayées en cas de défaillance du débiteur principal.

D’une manière générale, il existe de nombreuses sûretés réelles ou personnelles mobilisables pour garantir une créance : garantie bancaire à première demande, nantissement, ou encore fiducie sûreté (qui fonctionne comme un patrimoine d’affectation, comparable au trust anglo-saxon).

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Relances amiables et lettre de mise en demeure

Évidemment, dès les premiers impayés, il est conseillé au créancier d’initier des démarches amiables, avec relances écrites ou téléphoniques. Il est indispensable de se ménager la preuve de ces réclamations, qui pourront être utiles par la suite en cas de procédure judiciaire.

Si ces relances ne fonctionnent pas, vous pouvez solliciter un huissier de justice ou un avocat spécialisé en recouvrement de créance pour préparer des relances plus énergiques, telles qu’une lettre de mise en demeure sommant le débiteur d’avoir à exécuter ses obligations sous peine de poursuites judiciaires.

La lettre de mise en demeure est une étape fondamentale du processus de recouvrement de créance, puisque c’est à compter de la date de cette lettre que le débiteur sera jugé défaillant, et donc redevable des pénalités de retard, qu’il s’agisse des intérêts au taux légal ou pénalités contractuelles, conformément à l’article 1344-1 du Code civil.

Pratique une saisie conservatoire en cas de difficulté financière du débiteur

Dans un grand nombre de cas, les impayés s’expliquent par des difficultés financières des clients et partenaires. Malheureusement, si le créancier attend trop longtemps pour réagir, son débiteur risque de se trouver en état de cessation des paiements et de solliciter l’ouverture d’une procédure collective (redressement, liquidation judiciaire). Cette situation peut être de nature à compromettre définitivement le recouvrement des impayés.

Pour prévenir ce risque, il est conseillé au créancier impayé d’initier une saisie conservatoire dès les premiers signes de difficulté de son débiteur, pour éviter qu’il ne soit insolvable par la suite. 

Tout créancier disposant d’une créance fondée dans son principe peut ainsi solliciter du tribunal l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes de son débiteur, dès lors qu’il démontre un péril dans son recouvrement.

Pour ce faire, le créancier, après avoir mis en demeure son débiteur, devra déposer une requête auprès du Juge en demandant l’autorisation de pratiquer une telle saisie. Attention : afin de conserver le bénéfice de la procédure, le créancier devra impérativement assigner en paiement le débiteur dans un délai d’un mois à compter du jour de la saisie.

Les saisies conservatoires s’avèrent généralement très efficaces : elles génèrent un effet de surprise susceptible de mettre fin au litige de manière immédiate. En effet, une fois les fonds saisis, le débiteur n’aura plus d’intérêt à contester la créance, dès lors qu’elle est fondée : ce serait sinon s’exposer à des procédures vaines.

L’injonction de payer

L’injonction de payer connaît un certain succès parmi les dirigeants de TPE et PME. La raison est simple : il s’agit d’une procédure simplifiée et peu coûteuse, que l’on peut facilement mettre en œuvre et généralement sans avocat.

L’ordonnance d’injonction de payer est un titre exécutoire permettant, une fois qu’elle est devenue définitive et insusceptible de recours, de pratiquer des saisies sur le compte du débiteur comme avec un jugement ordinaire.

Pour obtenir son ordonnance, le créancier doit saisir le tribunal compétent par voie de requête, en remplissant un formulaire type à déposer au greffe : on indique simplement l’identité des parties, créancier et débiteur, le montant et la nature de la créance à recouvrer, en y adjoignant les pièces justificatives.

S’il considère que la créance est fondée, le juge fera droit à la demande. L’avantage, bien évidemment, est que le débiteur n’est pas prévenu immédiatement : il ne le sera qu’une fois la décision rendue par le tribunal. C’est en cela qu’il s’agit d’une procédure dite « non-contradictoire ».

L’inconvénient, c’est que le débiteur pourra facilement s’opposer à l’ordonnance, s’il la conteste dans le délai d’un mois à compter de sa signification. Or la contestation est tout aussi simple que la requête en matière d’injonction de payer : le débiteur n’a qu’à l’indiquer sur une lettre déposée au greffe, sans justifier de motif.

La contestation du débiteur aura pour effet de rétablir un débat contradictoire devant le Juge, qui convoquera les deux parties à une audience afin qu’elles s’expliquent sur le bien-fondé de la créance. Le jugement rendu sera alors réputé contradictoire en première instance et susceptible de recours selon les voies ordinaires (appel, cassation).

Le tribunal compétent en matière d’injonction dépend de la nature de la créance : tribunal de commerce pour les créances commerciales, et tribunal judiciaire pour celles de nature civile. Territorialement, la juridiction compétente est celle du domicile du défendeur. Enfin, jusqu’à 10.000 euros, l’assistance par avocat n’est pas nécessaire.

La procédure de référé

Contrairement à l’injonction de payer, la procédure de référé est une procédure contradictoire, c’est-à-dire en présence des deux parties, l’adversaire étant cité par voie d’assignation.

La procédure de référé est une procédure accélérée, orale, et en quelque sorte simplifiée puisqu’il n’y a pas de mise en état. Il est ainsi possible d’obtenir une ordonnance de référé en quelques semaines, voire quelques jours ou quelques heures si une urgence particulière le justifie.

En revanche, la procédure de référé n’est pas possible dans toutes les hypothèses. En réalité, elle suppose que le débiteur n’oppose pas de contestation à la créance dont le paiement est sollicité.

Si le débiteur invoque des motifs sérieux pour s’opposer au règlement des factures, la procédure de référé sera déconseillée, car le créancier risque de perdre son procès, et ce, uniquement pour des raisons procédurales, le tribunal s’estimant incompétent en présence d’une contestation sérieuse.

Si en revanche le débiteur n’oppose aucun motif sérieux de contestation, la procédure de référé représentera à l’évidence le moyen le plus sûr et le plus efficace pour obtenir une décision rapide du Président du tribunal.

Là encore, l’assistance par avocat n’est pas nécessaire, du moins jusqu’à 10.000 euros. Au-delà, il faudra constituer avocat devant le tribunal, qu’il s’agisse du tribunal judiciaire (créance civile) ou tribunal de commerce (créance de nature commerciale).

Attention tout de même : l’assignation est un acte juridique qui implique le respect d’un formalisme strict, et doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires. Prendre conseil auprès d’un professionnel du droit est vivement conseillé.

Dernière recommandation : pour tenter d’éviter des renvois intempestifs de la part de l’adversaire, il est conseillé de signifier l’assignation avec les pièces. Cela augmentera légèrement les frais d’huissier, mais s’avérera particulièrement utile par la suite.

Comme pour toutes les procédures (référé ou fond) la partie qui prévaut pourra demander le remboursement de ses frais d’avocats (article 700 du Code de procédure civile) ainsi que le remboursement des frais de justice (dépens), notamment frais de greffe et d’huissiers.

Les procédures au fond

Si le débiteur conteste les factures, ou s’il existe un litige entre les parties (sur les qualités de la prestation, des biens, produits et services rendus) le créancier n’aura d’autre choix que de passer par une procédure classique (dite procédure au fond) pour tenter d’obtenir le paiement de sa créance.

Les procédures au fond sont jalonnées d’étapes procédurales (mise en état) expliquant leur durée (en général 8 à 12 mois selon les cas). La procédure commence généralement par voie d’assignation ; les parties échangent ensuite leurs conclusions et pièces contradictoirement, jusqu’à la fixation d’une audience finale de plaidoirie au cours de laquelle les prétentions seront exposées oralement.

L’assistance d’un avocat est obligatoire devant le tribunal judiciaire et devant le tribunal de commerce à partir de 10.000 euros.  Le tribunal compétent dépend de la nature de la créance et, territorialement, relève du domicile du défendeur.

Dans certains cas, les procédures au fond nécessitent une étape préparatoire, notamment s’il s’agit de matière technique, comme en matière de travaux ou de nouvelles technologies : le procès pourra ainsi nécessiter une expertise judiciaire préalable, ou d’autres mesures d’instructions qui se dérouleront généralement avant le début de la procédure.

Naturellement, ces étapes préparatoires auront pour effet de retarder l’issue du jugement et donc le recouvrement de la créance, bien qu’elles soient obligatoires et nécessaires pour les matières techniques.

Inversement, il existe des procédures accélérées au fond, appelées procédure à bref délai devant le tribunal de commerce, ou procédure à jour fixe devant le tribunal judiciaire. Le demandeur devra pour ce faire solliciter l’autorisation préalable du tribunal, par voie de requête.

De même, en cas de recours, il est possible d’initier un appel accéléré si le demandeur justifie d’une urgence caractérisée.

Les voies de recours

Pratiquement toutes les décisions rendues par les juges sont susceptibles de recours : généralement par la voie de l’appel (délai de 15 jours pour les ordonnances de référé et d’un mois pour les décisions au fond) et parfois par le biais d’une opposition (procédure de contestation d’une décision ouverte dans des conditions procédurales spécifiques).

Le recours en cassation est également possible, mais dans cette hypothèse la cour ne statuera qu’en droit et non en fait (elle se contentera d’examiner la régularité juridique et procédurale de la décision, et non pas les faits et pièces du dossier).

Si la plupart des décisions de première instance sont exécutoires en dépit de l’appel, il sera toutefois possible à la partie succombant (celle ayant perdu son procès) de solliciter auprès du Président de la cour d’appel l’arrêt de l’exécution provisoire de la décision de première instance.

Cette procédure technique n’est toutefois possible que dans des conditions très restrictives et nécessite à l’évidence de faire appel à un professionnel.

Les procédures de recouvrement de créance à l’étranger

Si votre adversaire ne réside pas en France, la procédure de recouvrement s’avérera nécessairement plus complexe. Il est possible que le procès ne doive pas se dérouler à l’étranger, impliquant des frais supplémentaires. En outre, à supposer qu’une décision soit obtenue dans un pays tiers ou en France contre un étranger, une procédure spécifique (dite d’exequatur) devra être initié afin que le jugement puisse être exécuté.

Pour éviter ces difficultés, il est vivement conseillé d’insérer dans vos contrats une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux français, en optant également pour l’application de la loi française.

Si votre défendeur réside au sein de l’Union européenne, le recouvrement de créance doit néanmoins pouvoir s’opérer dans des conditions simplifiées. Notez d’abord qu’il existe une procédure d’injonction de payer européenne, permettant d’obtenir facilement le recouvrement d’une créance entre les pays de l’Union.

S’agissant de la détermination de la loi et du tribunal compétent, il existe également des outils clairs et simplifiés en Europe (règlements Bruxelles I et Bruxelles II pour les règles de compétence, et Rome I et Rome II s’agissant de la loi applicable).

Les règles sont les suivantes : la loi applicable et le tribunal compétent sont d’abord ceux prévus par les parties au contrat.

En l’absence d’indication dans le contrat, le tribunal compétent sera celui du domicile du défendeur, le demandeur bénéficiant toutefois d’options de compétence selon la matière :

  • en matière contractuelle, le demandeur pourra saisir les juridictions du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande en justice (livraison pour la vente, exécution de la prestation pour la prestation de service) ;
  • en matière délictuelle, il pourra saisir les juridictions du lieu de survenance du fait dommageable.

S’agissant de la loi applicable aux obligations contractuelles, le Règlement Rome I distingue par type de contrats. Ainsi :

  • le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ;
  • la loi applicable au contrat de prestation de services est celle du pays du prestataire de services ;
  •  enfin, le contrat ayant pour objet un droit réel immobilier ou un bail d’immeuble sera lui soumis à la loi du pays où se situe l’immeuble.  

Pour les contrats qui ne sont pas cités expressément, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel réside la partie qui doit fournir la prestation caractéristique.

À noter que la plupart des cabinets d’avocats français experts en recouvrement de créances font partie de réseaux d’avocats internationaux capables d’assister leurs clients dans l’ensemble des pays de l’Union européenne et au-delà.

Baptiste ROBELIN

Associé du cabinet NovLaw Avocats, spécialisé en droit immobilier et cession de fonds de commerce. Il est par ailleurs inscrit sur la liste des mandataires en transaction immobilière de l’Ordre des avocats du Barreau de Paris.



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